On parle de plus en plus souvent du nombre frauduleux d’abonnés que comporte de nombreux comptes twitter. Ce débat n’est pas nouveau et je vous renvoie d’ailleurs à des billets que j’avais déjà rédigé en 2011 et 2010 ! Ce qui correspond plus ou moins à une éternité sur l’échelle de temps du web ! Le phénomène des comptes inactifs a depuis été rejoint par la création massive de faux comptes.
Mais si on parle souvent des comptes frauduleux, on s’interroge moins sur les vrais responsables, ceux qui tiennent la place, c’est-à-dire Twitter. Qu’ont-ils fait depuis toutes ces années pour donner plus de transparence sur leur véritable audience ? Rien. Alors oui, ils donnent des chiffres parce que leur cotation au Nasdaq les obligent à nourrir un peu les analystes financiers (et ils ne sont pas contents). Les dernières stats remontent à fin avril. On notera qu’ils ne mettent pas en avant le nombre total d’inscriptions. Il faut dire qu’1 milliard de personnes inscrites, cela devrait interpeller lorsqu’on compare ce chiffre aux 302 millions de comptes dit “actifs”. 2/3 des comptes déjà morts ! Autant de personnes qui se sont inscrites et ont vite abandonné devant la complexité apparente de l’outil. Mais qui nous dit ensuite que des bots (=robots, des algorithmes capables de simuler une activité) ne sont pas comptabilisés dans le tas des actifs ? Twitter nous dit qu’ils font la chasse à ces comptes mais je n’y crois pas vraiment. Les robots s’adaptent et deviennent de plus en plus sophistiqués avec des bio remplies, des photos de profil, des tweets, des abonnements, etc.
Saviez-vous par exemple que les robots peuvent en plus de suivre des comptes à la pelle, retweeter en masse ? C’est ainsi qu’on remarque de plus en plus de tweets de personnalités ou d’institutionnels ayant un nombre élevé de retweets “masqués” mais qui par ailleurs comptabilisent des favoris sur les doigts d’une main !
4299 retweets cachés… vous avez dit bizarre ?
Avec les compte fictifs et le retweet fictif, je peux vous dire que c’est génial pour décrédibiliser quelqu’un. Vous êtes opposant politique ? Achetez pour quelques dollars 1 ou 2 millions de faux followers puis dénoncez vous-même la triche de votre adversaire ! ça marche à tous les coups !
A savoir aussi que nos amis les bots envoient des messages privés. Et depuis la possibilité de recevoir ces messages de tous (sans avoir à se suivre réciproquement), je reçois régulièrement des “Hi” de comptes qui ne comptabilisent que 3 abonnés et qui ont toujours une tête d’oeuf !
En d’autres termes, je soupçonne fortement Twitter de ne pas être honnête avec les chiffres.
Alors vous me direz, où est le problème ? Ce ne sont que des données bons à gonfler un ego et si on les ignore, on peut continuer à utiliser le réseau. Le hic est que ça pose un problème de crédibilité. Tout d’abord sur l’information. Si une actualité passe en trending topic, qui nous dit que tout cela n’est pas généré par l’activité des bots ? Dans ce cas, la valeur des informations est minée. Je m’appelle M6, je veux montrer que TopChef est très suivi, je fais en sorte de créer une activité fantôme sur le hashtag #TopChef et me voilà le roi du monde.
Mais plus grave pour le réseau, il y a un problème économique. Twitter rame pour gagner de l’argent (ils ne génèrent toujours aucun bénéfice) et les performances de ses campagnes sont encore à démontrer. Et si on ne peut pas faire confiance à l’audience promise, comment voulez-vous alors juger la pertinence d’une campagne sur twitter ? Si on ne connaît pas exactement l’audience à laquelle on s’adresse, on perd confiance et on préfère s’en remettre à d’autres plateformes qui ont fait leurs preuves.
Instagram a pris le parti de faire le ménage dans ses chiffres et c’est bien entendu en prévision d’une montée en puissance de ses offres publicitaires. L’avantage d’Instagram est qu’ils ne sont pas directement exposés à une sanction boursière, couvert par un proprio nommé Facebook. Mais ce n’est pas le cas de Twitter. Qui dit audience dit potentiel de monétisation. Ca, ça parle aux actionnaires ! Mais allez vendre des produits à des bots ! Imaginez, les investisseurs ne sont déjà pas satisfaits avec les statistiques publiées. Qu’en sera-t-il lorsqu’on découvrira la véritable activité sur le réseau ? Surtout à un moment où le Nasdaq est déjà au plus haut et qu’on soupçonne une nouvelle bulle. Plus haute sera la chute…
Autre point énervant, le cybersquatting. Si dans le cas de Facebook ou de Google+ un nom d’utilisateur ne pose pas trop de problème, il en est autrement sur Twitter où le nom d’utilisateur est utilisé à peu près partout ! Les plus anciens utilisateurs se souviendront que Twitter promettait de libérer tous les comptes inactifs (annonce de 2010 !). Y’a-t-il eu du changement ? Non, à moins que vous soyez détenteur d’une marque déposée auquel cas vous pouvez contacter Twitter, où que le cybersquatteur soit enclin à libérer le nom, souvent en échange d’un chèque (1 ou 2 exemples), vous devez toujours vous contenter de votre pseudo à rallonge alors que votre homonyme n’a pas tweeté depuis 2010. D’ailleurs, Twitter reste très vague sur le sens d’inactivité. Au début, ils parlaient d’une période d’inactivité de 6 mois et maintenant ils nous disent qu’on ne peut pas tout le temps être en mesure d’évaluer si un compte est actuellement inactif. La règle des 6 mois a donc mystérieusement disparu. Si rien ne s’est passé en 5 ans, c’est bien parce que Twitter a dû se rendre compte du gouffre dans lequel ils s’apprêtaient à plonger. En pleine compétition avec les autres réseaux, une chute brutale des inscrits ferait tâche. Ils vont même jusqu’à fermer les yeux sur le marché occulte des ventes de noms d’utilisateurs alors que leurs règles stipulent clairement le contraire !
Mon petit doigt me dit qu’on attendra encore longtemps avant qu’un coup de balai en profondeur ne soit réalisé, et que celui-ci aura lieu lorsque les dirigeants de Twitter se trouveront face au décalage toujours plus grand entre les promesses d’une audience monétisable et la réalité d’un océan de bots toujours plus balaises pour se faire passer pour des humains. Et plus ils attendront pour agir, plus dure sera la chute…
